Pour beaucoup de jeunes et leurs parents, la période de l’adolescence est une étape riche en émotions accompagnées de difficultés où les parents se sentent démunis face à certaines attitudes ou certains comportements. Je vais ici m’attacher au positionnement de l’adulte par le départ d’un dialogue entre le thérapeute et leur enfant et à ce qui perturbe cet être dans sa vie quotidienne. C’est pourtant une étape transitoire primordiale à sa construction pour devenir adulte, une période où il fondera pas à pas sa personnalité. Il a un besoin grandissant d’indépendance, une période de confusion où le jeune oscille entre son désir d’autonomie et celui d’être encore dépendant de ses parents. Les amitiés prennent une plus grande importance, des changements comportementaux se produisent, créant des conflits entre le jeune et ses parents. La communication avec ses parents s’en trouve altérée. Ses problèmes internes d’identification face à ses camarades ou sa position au sein de l’école peuvent rencontrer de grandes difficultés. Se sentant invulnérable, il est souvent à la recherche de nouvelles expériences et s’expose parfois à des situations dangereuses ou néfastes pour son bien-être comme la conduite d’un véhicule sans permis, fumer, boire avec excès ou l’utilisation régulière de drogue illicite. Il a souvent l’impression d’avoir compris ce qui l’entoure mais il se sent incompris du monde des adultes ayant pour conséquence un refus de ce dernier. Et c’est pourtant vrai, il est incompris. L’importance des choses de la vie n’est pas la même pour lui que pour l’adulte. Nous chercherons ce qui se cache derrière cette fragilité, traduit parfois par des comportements de révolte. Sa première victoire est de pouvoir renouer le lien de la communication verbale entre lui et l’adulte; le thérapeute dans ce cas précis représente l’adulte. C’est un lieu d’écoute où l’adolescent est libre de ses paroles, se détachant de toute la pression des adultes, volontaire ou involontaire qu’il ressent dans son quotidien. Certaines souffrances, enfouies ou volontairement dissimulées peuvent ressurgir, être dévoilé pour mieux comprendre l’état de souffrance qu’il ressent. Ce n’est pas forcément en relation directe avec ses parents, cela peut-être avec ses camarades, à l’école, un divorce ou dans d’autres situations. La fragilité de cet être n’est pas à prendre à la légère car attendre sans réagir pourrait le mener à un échec total de sa future vie. Le thérapeute est un moyen de transition dans ce cas précis. Face à son jeune âge, les résultats sont plus rapides que chez nous l’adulte. La séance se fait sans le/les parents, avec leur/leurs accords, sauf à la demande de l’enfant ou du thérapeute lui-même avec l’accord de l’enfant. Afin de pouvoir comprendre cet être, qu’il puisse avoir un lâcher-prise honnête et sans jugement, cette donnée est primordiale. L’objectif est que l’adolescent retrouve ou trouve sa place dans le monde adulte et jeunes de son âge avec épanouissement.
Prenons l’exemple d’un jeune adolescent d’une quinzaine d’année. Alors qu’apparemment son cursus scolaire se poursuivait sans encombre, depuis le début de l’année, il se retrouva en échec scolaire, dans une relation avec l’école très compliquée.
Quelle est la nature, la forme de relation dans son rapport avec les professeurs ?
Avec l’autorité des professeurs masculins, son comportement était ainsi : ses professeurs hommes adoptait un comportement assez conciliant avec ce garçon. Ses notes étaient catastrophiques. Aucun travail scolaire n’était fourni mais il participait en classe avec des sujets qui n’avaient aucune relation avec le travail de la matière elle-même.
Il ne travaillait que dans une seule matière. Le professeur de cette discipline s’avérait avoir un enseignement plutôt autoritaire. Malgré cette autorité, il laissait s’exprimer ce jeune homme et avoir ses propres opinions. Les résultats, comparés aux autres disciplines dans le registre des professeurs masculins étaient excellent.
Du côté des professeurs féminins, la situation était alarmante. Il manquait régulièrement de respect à ces femmes. Quand il avait en face de lui un professeur indifférent, il avait un comportement turbulant.
Quand il se trouvait face à un professeur féminin et plutôt autoritaire, ou indifférente, il remettait en cause toute sa façon d’enseigner ou devenait indiscipliné.
Quelle était sa situation familiale à cet instant ?
Il s’avèrait que cet adolescent vivait en parallèle le divorce de ses parents.
Comment plaçait-il ses parents dans la symbolique avant le divorce ?
Il vivait son père comme une personne autoritaire avec qui la communication semblait impossible mais il ressentait une profonde admiration pour lui.
Sa mère, au contraire était perçue et ressentie comme une personne très affectueuse et complice. La situation familiale était vécue comme une atmosphère angoissante, avec de nombreux non-dits. Malgré cela il avait une opinion telle une sublimation dans la représentation du schéma de ses parents en les plaçant sur un piédestal.
Il reconnu inconsciemment que la séparation de ses parents altéra fortement l’idée qu’il avait d’eux.
Lui, si sage habituellement se retrouvait confronté à l’autorité scolaire dans une difficulté dans le relationnel avec ses professeurs. Il n’acceptait plus les notions perçues comme une autorité seule, la consilience seule, l’indifférence seule, les réfutant frontalement, ouvertement, mettent en défit chaque professeur dans leur fonctionnement dans leur enseignement.
Quelle est la situation familiale avant, pendant/ après la séparation des parents ?
En effet, l’autorité paternelle s’était aussi effondrée au sein de la famille. Son père, dans l’image de la représentation interne du jeune homme, avait disparue. Il avait perdu toute notion d’autorité dans son attitude, désemparé face à son divorce.
Sa mère, habituellement affective se détachait de tout, indifférente à la situation, repliée sur elle-même.
Parallèlement l’adolescent ressentait comme une libération de l’angoisse, dû à la situation familiale antérieure. En effet, il n’assistait plus aux tensions interminables et présentes entre ses parents.
Dans ce cas précis, on pourrait croire qu’un travail thérapeutique est seulement nécessaire auprès de l’enfant. Oui, afin de déterminer les symptômes qui sont la révélation d’un déséquilibre psychique momentané et antérieur à l’évènement mais pas seulement.
Il y avait un manque chez cet enfant. Son père était devenu une personne très communicative et compréhensive. C’était un phénomène intéressant pour cet enfant mais il avait perdu toute notion d’autorité. Avec sa séparation, il était devenu un autre homme. Le manque paternel se situait au niveau de l’autorité après la séparation et un manque de reconnaissance affective avant la séparation.
Cet adolescent avait besoin de cette autorité, avec en parallèle cette nouvelle affection relationnelle que son père avait établie.
L’autorité paternel était ressenti chez l’enfant comme une implication, un repère à son modèle. La communication était perçue comme un élément positif, une volonté d’échange, une compréhension.
Du côté de sa mère, son indifférence face aux évènements était ressentie comme un abandon. Sa mère a dû renouer un contact affectif avec son fils tout en prenant compte qu’il grandissait et qu’un détachement affectif se ferait de lui-même mais de façon progressif et non « brutalement ».
.Dans ce cas précis, le sujet central est l’enfant. L’aboutissement est la mise au point avec les circonstances telle qu’elles sont, ici, le divorce, dans une adaptation adéquate de la relation enfant- père et enfant- mère.
Le changement comportemental chez ce garçon se déroula donc par un repositionnement paternel et maternel de la situation en prenant compte de l’antériorité relationnelle parentale et les avantages relationnelles de la situation présente.
Face aux désarrois des parents et de l’enfant mineur, le thérapeute après avoir entendu la verbalisation de l’enfant, amène à tour de rôle le père et la mère dans son cabinet pour expliquer la situation avec l’objectif central: le bien-être de l’adolescent. Dans ce cas de figure,la demande initiale est partie d’un parent et pas nécessairement du jeune homme.
Il s’avère que quand le repositionnent ancien et nouveau des parents prirent place, l’adolescent repris un positionnement constructif pour lui-même dans la relation élève-professeur au sein de son cursus amenant à des résultats scolaires correctes.
Reprendre une position parentale adéquate à la personnalité singulière de l’enfant permet d’affronter pour celui-ci la diversité du monde extérieur sans qu’il s’en trouve abîmé. Cela ne veut pas dire que l’adolescent ait résolu toutes ses névroses, mais ce chemin lui appartient, il a franchi le pas avec l’aide de ses parents, celui qui lui a permis d’avancer.