L’alimentation répond à un besoin fondamental, d’origine biologique qui va s’exprimer sous forme de pulsion. Cette pulsion, un élément indispensable, alerte aussi par l’intermédiaire de notre psychisme un manque existant. Cette pulsion, par constitution est considérée comme primaire et l’élaboration de la notion de faim engage un manque caractérisé lorsqu’elle est ressentie et, inévitable à un moment ou un autre de ne pas pouvoir l’éviter sous peine de perdre la vie. Notre espèce est donc bien établie, comme la majorité des espèces vivantes, notre organisme ressent la faim lorsqu’elle est apparente. Que ce soit les comportements alimentaires et les comportements sexuels, ils sont à chacun régulé par des mécanismes biologiques fondamentaux puisque l’alimentation et la reproduction sont essentiels à la survie de l’individu évoque Freud, (1) « Le fait des besoins sexuels chez l’homme et l’animal est exprimé en biologie par la supposition d’une « pulsion sexuelle ». On suit en cela l’analogie avec la pulsion de nutrition : la faim. ». Ces deux notions impliquent des comportements influencés par des instincts et des besoins physiologiques tels que la faim pour l’alimentation et le désir sexuel pour sa reproduction. Mais notre espèce possède de nombreuses particularités. Rappelons que d’une manière simpliste, la pulsion possède deux caractéristiques essentielles, son but et le moyen pour y parvenir. Et tout comme la sexualité, l’alimentation accompagne l’individu tout au long de sa vie. A travers ces quelques lignes, malgré l’étendue des recherches et de leurs diversités à ce sujet je tenterai d’expliquer brièvement les corrélations entre le comportement alimentaire de la personne et le comportement sexuel. Nous savons tous que l’alimentation et l’activité sexuelle activent le système de récompense du cerveau, libérant de la dopamine, un neurotransmetteur associé au plaisir que l’on peut éprouver lors d’un repas, un plaisir éprouvé sans avoir forcément faim, recherché simplement pour la jouissance d’être vécu, au-delà de leurs fonctions biologiques de survie et de reproduction mais le but ne se résout pas à la simple explication d’une seule forme, la forme étant multiple pour atteindre son but, telle est aussi la conviction de Freud, (2) « Le plaisir et la tension sexuelle ne peuvent donc être liés que de manière indirecte. » La construction de cette pulsion qui va associer la notion de plaisir trouve son essence dans sa préparation et sa stimulation, une perception qui va se cumuler plus ou moins dans le temps selon l’individu à travers la vue, l’odeur, le ressenti, le goût, les sons qui peuvent déclencher la constitution de la construction du plaisir devançant le déclenchement de la pulsion. Un ou plusieurs des sens peuvent s’associer ou sont nécessaires pour préparer le déclenchement de la pulsion. Les comportements alimentaires et sexuels sont souvent influencés par des besoins émotionnels comme un besoin de réconfort mais aussi pour sortir de l’angoisse. Afin de gérer des émotions négatives, on peut manger pour y faire face ou pour les fuir ou chercher des relations intimes pour gérer les états de solitudes ou le vide que l’on éprouve à l’intérieur de nous-même, un ressenti décrit par Freud (3) « La langue vulgaire ne possède pas pour cette pulsion un terme adéquat comme le mot « faim » ; la science se sert à cet effet du terme « libido. » La relation sexuelle permet de compenser ce vide émotionnel ou la nourriture permet de compenser le manque dans le rapport à l’autre en s’appuyant sur un état de fait, que toute position dans une relation objectale à l’extérieur de la conscience concerne la sexualité dans sa diversité, une position qui va déterminer toute position, celle d’un individu face à un objet externe et une représentation interne. L’influence culturelle et sociale associées au Surmoi, ce qui provoque et construit entre autres l’inconscient collectif, affectent la perception de ces comportements. Des mécanismes de régulations influencent aussi les individus dans leurs relations objectales telle la pilule, certains moyens contraceptifs, les régimes alimentaires. Cela peut parfois entraîner notamment des troubles et des dysfonctionnements internes dans ces régulations censées être naturelles. Nous ne les aborderons pas ici, afin de ne pas perdre l’élément essentiel de notre sujet.
Le comportement alimentaire et sexuel sont donc liés par des dynamiques inconscientes, des pulsions primaires et fondamentales certes mais aussi en corrélation dans le rapport entre le sujet et le monde qui l’entoure, son domaine intra-familial, son environnement et son développement.
La psychanalyse a développé au cours de son cheminement la théorie des pulsions primaires. Parmi ces pulsions, la pulsion de vie que l’on pourrait nommer Eros incorpore la pulsion sexuelle et la pulsion de nourriture. L’énergie libidinale est le comportement de l’individu dans la relation à l’objet. Toute relation objectale à une connotation sexuelle directe ou indirecte. Quand j’évoque la notion sexuelle, je ne parle pas simplement de la pulsion mais le rapport de l’individu au monde extérieur, une position transcendantale entre son ego et tout ce qui l’entoure mais aussi par immanence c’est-à-dire par la relation qu’il a avec lui-même. Les deux sont liés, indissociables mais fonctionnent aussi paradoxalement par elles-mêmes qui a pour résultante la constitution de la névrose. Dans ce sens, la nourriture et la sexualité sont toutes deux liées à des formes d'investissement libidinal, et l'une peut être substituée à l'autre dans certaines configurations psychologiques.
Freud, dans le développement de sa théorie observe que les individus traversent plusieurs stades, chacun étant centré sur une zone érogène particulière : oral, anal, phallique, latence et génital. Lors du stade oral, par exemple, la satisfaction du nourrisson se fait par la bouche comme sucer, manger, ce qui établit un lien entre les besoins alimentaires et les premières expériences de plaisir et de satisfaction des comportements sexuels infantiles.
Le comportement alimentaire peut constituer un mécanisme de défense comme la répression, la substitution ou la rationalisation pour répondre à des conflits internes, des désirs refoulés, des angoisses. Un sujet qui refoule des désirs sexuels ou des pulsions souligne Freud (4) « L’issue est différente lorsque, au cours de l’évolution, différentes composantes trop fortement marquées subissent le processus de refoulement, dont on doit retenir le fait qu’il n’équivaut pas à une suppression. » peut chercher à les transférer inconsciemment ou les compenser par une surconsommation alimentaire qui devient alors un moyen de les réprimer ou de les canaliser. L’alimentation devient alors une réponse ou un besoin d’un déficit des pulsions sexuels mal intégré ou refoulé. La nourriture devient alors une fonction symbolique représentant une sexualité plus ou moins perturbé inconsciente. Il arrive qu’une personne ingurgite des aliments en grande quantité ou de manière compulsive pourrait symboliser une tentative inconsciente de « prendre » ou « d’absorber » un rapport à l’autre et une situation insécure dans le lien d’attachement.
La psychanalyse, à ses débuts a largement analysé l'importance de la mère dans le développement psychosexuel, et cette relation est aussi cruciale dans la manière dont les individus abordent l'alimentation et la sexualité. Dès la petite enfance, la mère est associée à l'alimentation, et cette première relation peut marquer une empreinte durable dans le psychisme de l'individu. Les comportements alimentaires peuvent ainsi être liés à une réédition de la relation mère-enfant, marquée par la nourriture, une relation caractérisée par Freud (5) « Les facteurs psychiques que nous venons de mentionner profitent aux stimulations accidentelles de la sexualité infantile. Ces derniers (en premier lieu la séduction par d’autres enfants ou adultes) apportent le matériau qui peut, avec l’aide des premiers, être fixé sous forme de troubles durables. »» Dans ce cas précis, le trouble alimentaire peut se confondre aux déviances de la perversion mais il faudra déterminer le lien de fixation durable entre la nourriture et le développement sexuel. Le lien n’est pas direct. La collaboration des deux données amène à la suggestion d’autres paramètres existants qu’il faudra déterminer pour comprendre la situation globale.
La relation du père, ou l’absence de relation a aussi son importance ou peut être, selon la position de chacun détenir toute son importance. Lacan, dans un discours paradoxal, je dirais même, à son détriment volontaire et provocateur, montre que la forclusion du père amène à son absence dans la représentation intérieure du sujet. Une forclusion qui favorise le développement de la fusion mère-enfant et peut dans certains cas favoriser un trouble alimentaire. Elle a toute son importance, je dirai même qu’elle constitue la dialectique de la trilogie mère-enfant-père et va influencer le comportement alimentaire dans le comportement sexuel de l’enfant. Cette triade est l’élément fragile de l’équilibre qui va propulser et construire l’indépendance du futur adulte en gardant une relation affective et non fusionnelle avec un de ses parents. Le père est le trouble-fête nécessaire et indispensable au rééquilibrage de la relation mère-enfant, un arbitre qui va influencer la relation comportementale de l’enfant envers la nourriture et son comportement sexuel. Sans arbitre, il n’y a plus de cohésion possible ou difficile à acquérir dans le jeu ; celui qui a pour vocation un alignement du Moi entre les instances du ça et du surmoi. Dans la grande majorité des sujets qui sont venus consulter, où le trouble alimentaire est existant de manière flagrante, l’absence du père, non pas dans une position de forclusion totale mais dans l’absence d’une participation active dans la triade, est à notifier. La nourriture, un élément que l'être ne peut éviter de se confronter, va devenir l'outil observable et la conséquence des troubles potentiels notamment dans la situation d'anxiété caractérisée chez l'enfant dans sa relation à l'autre et donc dans son développement psychosexuel. Anxiété est une définition un peu flou, je préfèrerai citer le mot angoisse qui est bien plus précis dans son phénomène et son rapport qui lie le Moi du sujet et l'objet. L'ambiguïté n'est pas la dimension d'amour entre l'adulte et l'enfant mais son contenu. Une mère anxieuse peut éprouver une quantité d'amour supérieure à une mère qui ne l'est pas mais sa projection sur le petit être va provoquer une introjection de l'angoisse chez le petit enfant et peuvent avoir des répercussions dans le développement de l'enfant dans sa liaison avec l'objet, notamment celle de la nourriture.
Le comportement sexuel et les comportements alimentaires lors des différents stades
La problématique d’un concept, c’est qu’il existe aussi par des diversités, et là, est toute la complexité de l’élasticité de notre cerveau. A travers les différents stades du développement, les impacts de fixation dans le développement, less traces de l’histoire de l’enfant dans l’adulte, les répercussions. Les souvenirs sont en mouvement perpétuel, l’objet « a » que nomme justement Lacan se perd à travers le temps sans pouvoir véritablement quantifier les répercussions présente du passé à part la valeur observable et subjective du sujet et du thérapeute mais n’est-ce pas, semblerait-il, en tout cas dans une grande proportion, tout le sujet de « l’affaire », une relation marqué par le manque que le sujet va chercher à reproduire, dans une quête perpétuel qu'il va compenser par la nourriture. La valeur du constat ne peut que s’observer dans la possibilité du sujet de sortir de l’état de souffrance qu’il ressentait avant de consulter même si les corrélations peuvent être remises en cause et d’ailleurs, pouvant être exclues selon les croyances de chacun. Je vais donc ici décrire les différents stades et mettre en évidence le comportement sexuel du sujet avec la construction de son comportement alimentaire. Quand on parle de comportement sexuel, je rappelle que l’on nomme toute position du sujet avec lui-même et élément extérieur à lui-même. C’est une vision psychanalytique. Il me semble important de ne pas tomber dans le piège du diagnostic conceptuel qui amène souvent à l’exclusion du sujet dans son histoire, une dérive normalisée dans les rapports psychologiques et psychiatriques sous prétexte d’un savoir, intéressant par ces critères scientifiques mais qui peuvent apporter une méprise de la situation, un déroulement qui est bien plus complexe que ce qu’il semble détenir et ne peut se résumer à celui d’un diagnostic qui a pour conséquence l’exclusion du sujet lui-même dans sa compréhension. Et là est tout le paradoxe…
Le stade oral
Le père de la psychanalyse a établi que les individus traversent et s’appuie sur l’existence de plusieurs stades de développement psychosexuel, chacun étant centré sur une zone érogène particulière : oral, anal, phallique, latence et génital. Dès la naissance, au stade oral, Freud observe et notifie (6) « La signification de toutes les expressions précoces de la sexualité est accrue par un facteur psychique d’origine inconnue que l’on ne peut cependant présenter pour l’instant que comme une élément psychologique provisoire. » La satisfaction du nourrisson se fait par la bouche, en suçant le sein de la mère pour extraire la nourriture, son lait ce qui établit un lien entre les besoins alimentaires et les premières expériences de plaisir et de satisfaction. Cette relation peut se maintenir tout au long de la vie, où la recherche de plaisir par la bouche comme sucer et manger symbolise en représentant des besoins émotionnels et sexuels qui ont leur genèse sous forme de fixation et d’une certaine régression découverte lors du stade oral. Il est évident que la maturité biologique de l’individu amène s’il n’y a pas de relation pathologique entre la mère et l’enfant une évolution de cette fixation qui provoque par exemple chez l’homme une attitude acceptée par la femme du contact lors des échanges intimes de la bouche masculine sur le téton du sein de la femme provoquant une excitation cérébrale et biologique chez les protagonistes. Il ne s’agit plus de téter le lait de sa mère mais de déclencher le plaisir entre deux adultes où le comportement alimentaire trouve sa transformation dans le comportement sexuel entre deux adultes. Notons que d’un point de vue fantasmagorique, certains hommes adorent les petites, moyennes ou grosses poitrines, une corrélation qui trouve sa genèse dans le rapport au sein maternel. L’origine de la pulsion sexuelle est biologique, innée mais aussi empiriste, découverte et développée au cours du premier stade après la naissance. Une régression et une fixation relative est nécessaire au développement pour parvenir à un développement global équilibré. Mais dès le départ on assiste à travers la succion un rapport de plaisir produit par le sein de la mère et son contact dans la bouche du bébé, un contact doublé d’une nécessité de se nourrir, le plaisir, la zone érogène de la bouche s’émancipe et se développe à travers l’alimentation. Une observation qui mélange plusieurs tensions et pulsions simultanément ou de manière juxtaposée. Le manque ou l’inexistence du contact maternel ou un substitut peut influencer directement par déplacement et provoquer un trouble alimentaire mais aussi le comportement sexuel. Ainsi, des comportements alimentaires peuvent être des "substituts" ou des "régressions" dans le cadre de tensions sexuelles non résolues comme celle de la relation à la mère. Une personne qui traverse des troubles liés à la nourriture comme la boulimie ou l'anorexie est confrontée à une fixation à la phase orale où l'alimentation est perçue comme un moyen d'exprimer ou de réprimer des pulsions sexuelles. Le stade oral est l’un des stades clés du développement psychosexuel décrit par Freud dans sa théorie de la sexualité infantile et ses répercussions comme point de fixation dans le rapport du sujet avec l'alimentation. Ce stade, qui se situe de la naissance à environ 18 mois, est centré sur la bouche, un organe qui joue un rôle fondamental dans les premières expériences de plaisir et de satisfaction. Les expériences et les interactions vécues au cours de ce stade influencent profondément le développement psychologique et peuvent laisser des traces qui se manifestent plus tard dans la vie, notamment dans les comportements alimentaires.
À ce stade, le nourrisson trouve la satisfaction principalement par l’activité buccale : succion, prise du sein maternel, et plus tard, introduction des aliments solides. On associe cette phase à la recherche de plaisir à travers la bouche, qui est perçue comme une zone érogène. La bouche devient alors le centre de l'interaction avec l'environnement, d'abord pour répondre à un besoin physiologique de nutrition, mais aussi pour obtenir une satisfaction psychologique. Le nourrisson éprouve un plaisir immédiat et réconfortant lorsqu'il est nourri. Cette satisfaction ne se limite pas à la simple satiété physique, mais inclut également un apaisement affectif qui résulte du contact avec la mère et de la sécurité ressentie pendant l'alimentation. Le nourrisson est entièrement dépendant de la mère pour sa nutrition. Cette dépendance et cette confiance initiale établissent des bases psychologiques importantes pour la relation future à l'alimentation.
Si les besoins d'un enfant ne sont pas satisfaits de manière appropriée pendant cette période, il peut y avoir une fixation au stade oral, Mélanie Klein observa à travers un cas clinique, (7) « Ainsi Ruth (chapitre 2), qui présentait une forte fixation de ce genre à la phase orale de succion, avait été pendant des mois un bébé affamé, parce que sa mère n’avait pas assez de lait. Un autre patient, qui n’avait jamais été nourri au sein, ainsi au biberon, manifesta, il est vrai, un fort sadisme oral, mais il était également fortement fixé à la période orale de succion. » Ce qui signifie que l’individu reste psychologiquement attaché à cette phase et cherche à revivre cette expérience tout au long de sa vie. Cette fixation peut se traduire par des comportements alimentaires atypiques à l'âge adulte, comme par les exemples suivants. La surconsommation alimentaire, ce que l’on nomme l’hyperphagie se traduisant pour une personne par une fixation lors du premier stade. L’individu peut rechercher une gratification orale excessive, se traduisant par une surconsommation de nourriture ou une recherche de nourriture dans des moments d’anxiété ou de stress, pour compenser des besoins affectifs non satisfaits dans la petite enfance. Une personne peut aussi refuser de s’alimenter convenablement en contrôlant de manière excessive et mettant en danger sa sécurité. Elle rejette la nourriture et l’utilise comme un outil de contrôle, sans tenir compte de ses besoins essentiels à son développement et ses dépenses énergétiques. C’est l’expression des conflits intérieurs non résolus qui sont liés à une relation conflictuelle avec la mère ou un manque de satisfaction au stade oral. Cela peut mener à des troubles alimentaires comme l'anorexie, où l'individu rejette l'alimentation comme moyen de protester contre des frustrations vécues dans l'enfance. Cela peut engager notamment et provoquer des comportements compulsifs ou dépendants. Les individus qui ont vécu une fixation au stade oral peuvent également chercher des moyens alternatifs d'obtenir du plaisir oral, comme fumer, mâcher des chewing-gums, ou encore avoir des comportements alimentaires compulsifs.
Freud puis Klein ont suggéré que les comportements alimentaires, et particulièrement les troubles alimentaires, peuvent être interprétés comme des mécanismes de substitution pour des besoins émotionnels et affectifs non comblés au stade oral. En d'autres termes, la nourriture devient un substitut symbolique de la relation primaire avec la mère, ou une manière de gérer des conflits internes liés à la dépendance, au manque de contrôle, ou à l'insécurité émotionnelle. Ces comportements sont souvent inconscients et peuvent être vécus comme des tentatives de restaurer une forme de satisfaction émotionnelle primitive et inassouvie. Klein souligne (8) « Cependant, de mauvaises conditions alimentaires, que l’on peut considérer comme des frustrations extérieures, ne semblent pas expliquer à elles seules le manque de satisfaction orale de succion. » Il y aurait un fonctionnement inné, interne au nourrisson qui aurait pour résultat la genèse de ce besoin indépendamment du contact maternel. Un besoin de l’ordre de l’instinct qui se transmet génétiquement, qui est là, existant, peu importe l’environnement. Elle s’appuie sur les découvertes de ses confrères (9) « Comme l’ont signalé Abraham et Ophuijsen, il peut y avoir dans les zones intéressant la mastication, par exemple les muscles de la mâchoire, un élément d’origine constitutionnelle qui renforcerait la fixation du bébé au stade sado-oral. »
La relation avec la mère, qui nourrit l'enfant, joue un rôle central dans le développement de l'individu au stade oral. Une alimentation insuffisante, une relation trop distante ou trop fusionnelle, ou une insécurité affective liée à la mère peuvent entraîner des perturbations dans la manière dont l’individu développera ses comportements alimentaires et sa relation à la nourriture. Une alimentation chaotique ou instable pendant cette période peut aboutir à des troubles alimentaires plus tard dans la vie, comme la boulimie ou l'anorexie, où le contrôle alimentaire devient un moyen de gérer des angoisses liées à l'abandon, à la dépendance ou à la frustration. Le stade oral est un moment fondamental du développement psychosexuel, où les comportements alimentaires jouent un rôle majeur dans la constitution de l'individu. La manière dont les besoins alimentaires et affectifs sont satisfaits durant cette période peut marquer durablement la relation de l'individu à la nourriture tout au long de sa vie. Les fixations et régressions à ce stade peuvent se manifester sous diverses formes de comportements alimentaires, qu’il s’agisse de surconsommation, de restriction alimentaire, ou de comportements compulsifs liés à la recherche de gratification orale. Cela permet ainsi de comprendre ces comportements alimentaires comme l’expression de besoins émotionnels et affectifs, souvent inconscients, liés à la première relation avec la mère et aux conflits internes associés, souligne Klein (11) « Certains fantasmes sado-oraux expriment une envie de posséder le sein de la mère, d’en vider et d’en aspirer le contenu »
Le stade anal
Le stade anal d’un point de vue psychanalytique, est le deuxième des stades psychosexuels de l'enfance, et il se déroule entre environ 18 mois et 3 ans. Ce stade est centré sur la zone érogène anale et les expériences liées à la gestion des sphincters par le contrôle de la miction et de la défécation. Le stade anal est fondamental pour le développement de la personnalité de l'enfant, car il marque un moment où l'enfant apprend le contrôle et l'autonomie, tout en étant influencé par les premières interactions avec ses parents, notamment dans le cadre de l'apprentissage de la propreté. Le stade anal a des implications importantes non seulement pour la gestion des fonctions corporelles mais aussi pour la façon dont l'individu abordera le contrôle, la dépendance, et les comportements alimentaires plus tard dans la vie. L'enfant fait l'apprentissage du contrôle des sphincters, ce qui est un moment crucial dans la formation de l'autonomie et de la maîtrise de soi. Freud voit ce processus comme une source de conflit et de tension, car l'enfant doit gérer ses pulsions naturelles (envie d'évacuer) en fonction des attentes de ses parents, qui lui imposent des règles et des normes. Ce contrôle sur les fonctions corporelles devient un modèle pour le développement de la régulation des désirs et des pulsions à l'âge adulte. Le contrôle des pulsions corporelles durant le stade anal est parallèle à la manière dont une personne peut apprendre à gérer ses pulsions alimentaires. Si l'enfant développe un sens du contrôle, il est plus susceptible de maintenir un équilibre dans ses comportements alimentaires à l'âge adulte, en équilibrant plaisir et restrictions. En revanche, des conflits intenses ou des exigences excessives imposées par les parents durant cette phase peuvent entraîner des dérèglements dans les comportements alimentaires plus tard, comme dans les cas de troubles du comportement alimentaire, où le contrôle de l'alimentation devient un terrain de conflit.
Freud a suggéré qu'une expérience de contrôle excessif ou de liberté excessive pendant le stade anal peut aboutir à deux types de personnalités. Ce type de personnalité à caractère anal-rétentif ou tenace est marqué par le contrôle excessif, la rigueur, l'ordre et le perfectionnisme. L'individu peut éprouver un besoin excessif de contrôler les choses dans sa vie, y compris ses comportements alimentaires. Il pourrait adopter des régimes stricts, chercher à se restreindre ou devenir obsessionnel dans la gestion de son alimentation. Un autre caractère se caractérise par un manque de contrôle, ce que l’on nomme le dissipateur ou l’anal-expulsif, une tendance à l'excès, la dissipation, et une tendance à "lâcher prise". Ce type d'individu peut se tourner vers des comportements alimentaires excessifs, comme la compulsion alimentaire ou un manque de discipline dans la gestion de son alimentation. Le manque de régulation interne pourrait se manifester par des crises de boulimie ou une surconsommation alimentaire.
Le stade anal est aussi un moment où l'enfant fait l'expérience de la notion de possession à travers la gestion de ce qu'il expulse et conserve. Freud a lié ce stade à des thèmes de donner et de prendre : en donnant (expulser) ou en retenant (garder), l'enfant apprend des principes relatifs à la générosité et à l'égoïsme. Dans une perspective psychanalytique, cette dynamique peut être transposée à l'alimentation. Par exemple, un individu qui a appris à retenir et à contrôler ses impulsions au stade anal pourrait être enclin à développer une attitude plus restrictive vis-à-vis de la nourriture, cherchant à "retenir" ou "contrôler" ses désirs alimentaires. En revanche, une personne ayant vécu une expérience de trop grande permissivité dans ce domaine pourrait adopter une approche dissipatrice ou excessive de la nourriture, manquant de limites et ayant tendance à se laisser aller à des excès alimentaires. Il est également associé à une prise de conscience accrue des attentes des parents, notamment en matière de propreté et de discipline. Les conflits internes qui surgissent en réponse à ces attentes peuvent se transformer en angoisse, souvent liée à des questions de contrôle et de perfectionnisme. Dans la vie adulte, cette anxiété et ce désir de contrôle peuvent se manifester de manière marquée dans les comportements alimentaires. L'individu pourrait chercher à réguler ses émotions et son stress par la restriction alimentaire ou au contraire par une compulsion alimentaire en mangeant de manière impulsive ou excessive pour apaiser l'anxiété. Les troubles alimentaires comme l’anorexie ou la boulimie pourraient être perçus comme des tentatives inconscientes de gérer cette anxiété, en utilisant la nourriture comme un moyen de prendre le contrôle sur des émotions difficiles à réguler autrement.
Le processus de gestion de la propreté au stade anal est également étroitement lié à l'introduction des valeurs parentales et de l’autorité. Si les parents sont perçus comme excessivement rigides ou s'ils imposent une discipline trop stricte, cela peut mener à un rebelle qui rejette l'autorité ou à une personne qui cherche à satisfaire l'autorité par la soumission. Cette dynamique peut se traduire par une relation complexe avec la nourriture, en particulier lorsque l’individu est confronté à des régimes alimentaires stricts ou à des restrictions imposées par des figures d'autorité (parents, normes sociales, etc.). Cela peut générer un désir de rébellion contre ces règles ou une soumission excessive à des règles alimentaires strictes, résultant en des comportements tels que les troubles alimentaires par une restriction sévère de la nourriture ou par excès compulsif.
Le stade phallique
Le stade phallique est le troisième stade du développement psychosexuel dans la théorie freudienne, et il débute vers l'âge de 3 ans et se termine avant la septième année. Ce stade est centré sur la découverte et l’exploration des organes génitaux et la formation des premiers rapports avec la sexualité, bien que ces rapports soient encore inconscients et souvent symboliques à cet âge. La notion de complexe d’Œdipe est centrale à ce stade : l’enfant prend conscience de son sexe et développe des désirs inconscients pour le parent du sexe opposé, tout en ressentant une rivalité et une jalousie à l’égard du parent du même sexe. Ce conflit est résolu par l’identification au parent du même sexe, ce qui permet de développer une identité sexuelle. Sur le plan psychanalytique, bien que le stade phallique soit principalement associé au développement de la sexualité et des relations familiales, il peut aussi avoir des répercussions sur la relation à la nourriture et les comportements alimentaires, qui sont influencés par les dynamiques de pouvoir, de dépendance et de désir qui émergent durant cette période. Pendant le stade phallique, l’enfant est confronté à des conflits de pouvoir, notamment dans sa relation avec les figures parentales. L'enfant cherche à s'affirmer vis-à-vis de ses parents, à travers la quête de reconnaissance et de valorisation. Dans la relation avec le parent du sexe opposé, ce désir est marqué par une forme de compétition et de rivalité, tandis qu’avec le parent du même sexe, il y a un processus d’identification. Cette quête de pouvoir et de contrôle peut se répercuter sur la relation avec la nourriture. Par exemple, un enfant qui vit un conflit sur le plan de l’autorité (avec des parents excessivement autoritaires ou permissifs) pourrait développer une relation avec la nourriture marquée par la rébellion (refus de manger, anorexie) ou la compulsion (manger pour se réconforter ou pour contrôler ses émotions). Les comportements alimentaires peuvent devenir un moyen de marquer son autonomie ou de résister à des règles perçues comme oppressives.
Au stade phallique, la résolution du complexe d’Œdipe passe par l’identification au parent du même sexe, ce qui permet à l’enfant de structurer son identité sexuelle. Cette identification a des répercussions sur la manière dont l’individu vivra ses relations de pouvoir et ses mécanismes de défense dans sa vie adulte. La relation avec les figures parentales pendant cette période peut influencer la manière dont l’individu aborde la nourriture et les repas. Par exemple, si un enfant se sent dévalorisé ou négligé par l'un des parents pendant cette phase, il peut chercher à obtenir de l’attention ou de l’amour à travers son corps, notamment en adoptant des comportements alimentaires extrêmes. Dans certains cas, un parent qui contrôle excessivement l'alimentation (par exemple en imposant des restrictions) peut renforcer des sentiments de frustration et de rébellion chez l'enfant, qui peut, à l'âge adulte, adopter des comportements alimentaires compulsifs ou restrictifs. Pendant cette phase, l’enfant éprouve des sentiments de rivalité et de compétition avec le parent du sexe opposé et, dans une moindre mesure, avec le parent du même sexe. Le désir inconscient d'attirer l’attention du parent du sexe opposé (et de devenir un concurrent pour l’autre parent) peut engendrer des tensions et des sentiments de frustration ou d'insécurité. Cette rivalité peut être projetée sur la nourriture, notamment si l’individu ressent qu'il doit gagner ou obtenir une récompense d’un parent à travers des comportements alimentaires. Par exemple, un enfant qui se sent négligé ou rejeté pourrait chercher à combler son vide intérieur par la nourriture, dans une quête inconsciente d’attention et d'affection. À l’inverse, si un parent est perçu comme une figure d’autorité stricte, un enfant peut développer une relation conflictuelle avec la nourriture, allant jusqu’à adopter des comportements alimentaires de restriction ou de fuite (anorexie, boulimie).
L'enfant développe un sens de son propre corps, à la fois sur le plan de son identité sexuelle et de son autonomie. Il commence à comprendre la différence entre lui et les autres, ainsi que les attentes sociales relatives à son sexe. L’alimentation peut devenir un moyen pour l’individu d’affirmer ou de réprimer cette autonomie et cette maîtrise de soi. Par exemple, une personne pourrait adopter des comportements alimentaires excessifs ou restrictifs pour affirmer son indépendance par rapport à des normes ou à des attentes sociales. L’anorexie ou la boulimie, par exemple, peuvent être vues comme des tentatives de reprendre le contrôle sur son corps et de gérer des conflits internes non résolus liés à des enjeux de pouvoir et d’affirmation de soi. La nourriture devient ainsi un terrain d'expression de la lutte pour la reconnaissance et l’autonomie. C’est aussi une période où les désirs sexuels commencent à émerger, et l’enfant éprouve des tensions affectives fortes en raison de l’ambivalence de ses sentiments envers ses parents. Ces tensions peuvent générer des désirs de gratification immédiate, ainsi qu’un besoin de soulagement face aux frustrations émotionnelles. Cette recherche de gratification peut se traduire par une tentative de compenser des frustrations émotionnelles par la nourriture. Les individus qui traversent des tensions affectives au stade phallique peuvent rechercher une forme de gratification ou de réconfort dans les comportements alimentaires, comme la surconsommation de nourriture ou l’utilisation de la nourriture pour gérer le stress et les émotions. Quand l’enfant passe par des périodes de frustration comme lors des périodes œdipiennes, il est fréquent qu’ils effectuent une succession de cauchemars, ce que l’on nomme notamment les terreurs nocturnes. Dans l’œuvre écrite de Françoise Dolto, « Les étapes majeures de l’enfance », elle souligne que durant cette période, (13) « quand un enfant a des cauchemars, c’est que l’activité de la journée l’a laissé dans un état de tension ; l’activité continue pendant le sommeil et comme elle n’a plus de limites, elle prend des formes très fantasmagoriques. »
La période de latence
La période de latence est le quatrième stade du développement psychosexuel dans la théorie freudienne, qui se situe généralement entre 7 et 12 ans, après le stade phallique et avant le stade génital. Freud considérait cette période comme une phase de calme relatif sur le plan psychosexuel, où les pulsions sexuelles sont réprimées ou « mises en sommeil » et où l'attention de l'enfant se tourne davantage vers des activités sociales, scolaires et l'apprentissage des règles sociales et culturelles. Dans cette période, les préoccupations liées à la sexualité cèdent la place à des intérêts plus intellectuels et sociaux, notamment à travers le développement de la vie associative, les relations amicales et l’apprentissage des compétences sociales. La relation à la famille devient moins centrée sur les dynamiques œdipiennes et plus sur l'intégration dans des groupes extérieurs, comme l'école et les pairs. La période de latence n’est pas directement associée à des changements majeurs dans la dynamique des comportements alimentaires, mais elle peut néanmoins influencer la manière dont l’individu développe sa relation avec la nourriture en raison de certains processus psychiques qui se déroulent durant cette phase. Ce stade est marquée par la répression des pulsions sexuelles et un retour à la socialisation. L’enfant se concentre sur la réussite scolaire, la construction d’amitiés et l’acquisition de compétences culturelles et sociales. Cette répression des pulsions sexuelles laisse davantage de place aux besoins émotionnels et psychologiques de l’enfant, et la famille joue un rôle important dans la régulation de ces besoins. Le contrôle des pulsions au cours de cette période peut entraîner un certain renforcement des comportements adaptatifs par rapport à la nourriture. Les enfants vont être éduqués à respecter des règles concernant les repas et l’alimentation, ce qui va influencer la manière dont ils géreront leur relation avec la nourriture plus tard dans la vie. Par exemple, si un enfant apprend à « obéir » aux règles alimentaires imposées par ses parents (comme manger à des heures précises, se conformer à des habitudes alimentaires, ou suivre un régime particulier), il peut développer une relation avec la nourriture marquée par le respect des règles, ou au contraire une rébellion (par une alimentation compulsive ou désordonnée à l’âge adulte si les règles étaient perçues comme trop strictes ou contraignantes).
Bien que le stade de latence soit une période où la sexualité est largement réprimée, les effets de fixations ou de conflits non résolus dans les stades précédents (oral, anal, phallique) peuvent resurgir, notamment dans les comportements alimentaires. Les tensions internes qui n'ont pas été résolues dans les phases antérieures peuvent se manifester à travers des comportements liés à la nourriture, comme un enfant qui a vécu une fixation au stade oral (liée à une gratification ou frustration orale) pourrait développer des comportements alimentaires problématiques pendant la période de latence, même si la pulsion sexuelle est réprimée. Les comportements alimentaires peuvent servir de mécanisme de gestion des tensions émotionnelles, qui n’ont pas été pleinement traitées dans les phases précédentes, comme la compulsion alimentaire ou la recherche de gratification orale pour apaiser l'anxiété.
C'est une phase de socialisation intense et d’apprentissage des normes de comportement. Les enfants commencent à se structurer autour de l’idée de ce qui est acceptable dans la société, ce qui inclut aussi les comportements alimentaires. Ils apprennent les règles de l’alimentation sociale : ne pas manger excessivement, manger en public à des heures précises, et respecter les attentes sociales liées à l'alimentation. L’apprentissage des règles sociales durant cette période peut amener les enfants à internaliser des attentes culturelles liées à la nourriture. Par exemple, si l'enfant est soumis à une pression sociale ou familiale concernant l’apparence physique ou la conformité à des régimes alimentaires spécifiques, il pourrait développer une relation conflictuelle avec la nourriture, marquée par la restriction ou les troubles alimentaires comme l'anorexie ou la boulimie. Les enfants ayant des difficultés à se conformer à ces attentes peuvent être confrontés à des mécanismes de défense comme le refoulement ou la compensation, qui se traduisent par des comportements alimentaires dysfonctionnels plus tard dans la vie. Elle est également un moment où l'enfant prend conscience de son corps de manière plus distante et sociale. Les préoccupations sexuelles sont mises de côté au profit d'une attention accrue portée à l'image corporelle, au développement physique et à l'intégration dans le groupe social. Ce développement peut influencer la manière dont l'enfant perçoit les attentes sociétales liées à l'apparence et au comportement alimentaire. Le rapport à l’image du corps et à l'apparence physique est façonné par les interactions sociales au cours de cette période. Les enfants peuvent être influencés par des normes sociales de beauté, et cette pression peut se manifester plus tard par des comportements alimentaires liés à la quête de la perfection, comme la restriction alimentaire ou des comportements alimentaires régulés par la peur de prendre du poids. Ce processus peut parfois conduire à des troubles du comportement alimentaire si ces préoccupations deviennent excessives.
Le stade de latence est une période de calme en matière de pulsions sexuelles, l’enfant continue cependant à ressentir des frustrations et des besoins émotionnels. L’alimentation peut devenir un moyen de faire face à ces frustrations, de rechercher un confort ou un plaisir. La répression des pulsions sexuelles peut laisser place à des stratégies de compensation, où la nourriture joue un rôle de réconfort émotionnel. Les enfants peuvent développer une relation émotionnelle avec la nourriture, où manger devient un moyen de combler des manques affectifs ou de gérer le stress. Si un enfant traverse une période d'anxiété ou de frustration dans ses relations sociales (école, amis, etc.), il pourrait se tourner vers la nourriture pour se rassurer. Ce modèle de compensation émotionnelle par la nourriture pourrait se prolonger à l’âge adulte, se traduisant par des troubles alimentaires tels que la boulimie ou une consommation excessive de nourriture dans des moments de stress ou de tristesse.
L’adolescence
L'adolescence est une période de remaniement psychique et de transition importante. Elle se situe entre l'enfance et l'âge adulte et est caractérisée par des changements corporels, émotionnels et psychiques profonds, notamment en raison de la puberté et du développement sexuel. Cette période voit l'émergence de la sexualité adulte, la reconstruction personnelle et l'influence croissante des groupes sociaux. Freud, ainsi que d'autres psychanalystes, considéraient l'adolescence comme une phase de réactivation de conflits psychiques, souvent liés aux stades antérieurs du développement, notamment ceux du stade phallique et du complexe d'Œdipe, mais dans un contexte élargi qui inclut la réorganisation des relations familiales, sociales et sexuelles. C'est est une période critique où les jeunes traversent des changements corporels qui peuvent influencer leur relation à leur corps et à la nourriture. Ces changements physiques sont associés à l’émergence de nouveaux désirs, à l’instabilité émotionnelle et à une intensification des conflits internes, notamment au niveau de la gestion de l’identité sexuelle et de la relation avec les figures parentales. Sur le plan psychanalytique, les comportements alimentaires durant l'adolescence peuvent être compris comme des manifestations des conflits internes, des mécanismes de défense et des stratégies émotionnelles qui sont en jeu dans cette phase de transition.
Elle est marquée par l’apparition de changements physiques liés à la puberté (croissance, développement des organes sexuels, redistribution des graisses corporelles, etc.). Ces transformations peuvent générer des angoisses et des sentiments de malaise liés à l’image corporelle, car l’adolescent doit apprendre à s’adapter à son nouveau corps. La relation à la nourriture et à l'alimentation devient une manière pour l'adolescent de gérer l’anxiété liée au corps et à son apparence. Certains adolescents peuvent devenir particulièrement obsédés par leur poids et leur apparence, ce qui peut conduire à des comportements alimentaires marqués par l’anorexie ou la boulimie. Ces troubles peuvent être des stratégies pour rechercher le contrôle sur des aspects de la vie (et du corps) qui échappent souvent à leur maîtrise. L'alimentation devient alors un moyen de gérer l'angoisse liée à l'image corporelle et aux normes sociales de beauté. C'est est une période où les conflits œdipiens refont surface de manière différenciée, souvent sous la forme de désirs conflictuels envers les figures parentales, en particulier dans la recherche d’autonomie et d’indépendance. Les désirs inconscients de rivalité et de compétition avec les parents, en particulier dans le cadre des relations sexuelles et affectives, peuvent resurgir, mais sous une forme plus élaborée et plus adaptée à la maturation psychosexuelle. Les régimes alimentaires restrictifs ou les comportements alimentaires excessifs peuvent être liés à la quête de contrôle sur soi et son environnement. Un adolescent qui cherche à affirmer son indépendance par rapport aux attentes parentales pourrait adopter des comportements alimentaires extrêmes comme moyen de rebelle contre ce qu’il perçoit comme un contrôle parental ou social excessif. De même, l'obsession de l'apparence et du poids peut être une manière inconsciente de se différencier de ses parents ou d'atteindre une forme d'identité distincte. L’éveil à la sexualité est central, avec l’activation de désirs sexuels et une exploration accrue de l’identité sexuelle. Ces changements sont accompagnés de conflits internes sur la question du désir, de l’intimité, et du rapport au corps. La relation à la nourriture peut devenir un moyen de compenser ou de masquer des tensions liées à la sexualité. Par exemple, l’adolescent peut utiliser la nourriture pour réguler ses émotions face à la confusion et à l’angoisse engendrées par les désirs sexuels non résolus ou conflictuels. Cela peut se manifester par des comportements alimentaires compulsifs ou restrictifs, où la nourriture devient un objet de gratification ou de contrôle. Dans certains cas, l'anorexie et la boulimie peuvent être des tentatives inconscientes de réprimer ou de canaliser des désirs sexuels ou des frustrations liées à la sexualité. L’adolescent est également très influencé par le besoin de reconnaissance sociale et l’intégration au groupe des pairs. L’adolescence est une période où le regard des autres devient central et où les comparaisons sociales peuvent entraîner des sentiments d’insécurité ou de doute sur soi-même. Le désir de plaire ou de répondre à des normes sociales de beauté (qui valorisent souvent la minceur, la jeunesse, ou certaines formes de corps) peut conduire à des comportements alimentaires excessifs, comme des régimes stricts, ou, au contraire, à des comportements de compensation émotionnelle par la nourriture. La pression sociale liée à l’apparence physique peut être internalisée et entraîner des troubles du comportement alimentaire, tels que l'anorexie ou la boulimie, qui sont souvent perçus comme des moyens d'obtenir de l’attention et de l’acceptation sociale.
En période de stress, l’adolescent, comme l’adulte, peut recourir à différents mécanismes de défense pour gérer l’anxiété et l'angoisse. La nourriture peut devenir un mécanisme de défense, utilisé pour exprimer des émotions ou pour réprimer des émotions ou pour compenser des frustrations émotionnelles. Certains comportements alimentaires peuvent être des façons de gérer des angoisses profondes, en particulier celles liées à l'identité, à l'autonomie, et à la sexualité. Le recours à la nourriture pour apaiser l’anxiété est un comportement observé dans des troubles comme la boulimie. Dans ce cas, l’adolescent utilise la nourriture pour se réconforter face à des tensions internes. À l’inverse, un adolescent qui adopte une attitude excessivement répressive vis-à-vis de la nourriture (anorexie) peut chercher à maintenir un contrôle strict sur un aspect de sa vie afin de compenser des sentiments de perte de contrôle sur d’autres aspects de son existence. La boulimie, peuvent être compris comme des tentatives de gestion psychique des angoisses liées à la puberté, à la recherche de contrôle et à la pression sociale, tout en étant des symptômes d’un malaise profond lié à la construction de l'identité pendant cette phase critique de la vie, (15) « Or il faut savoir que chaque fois qu’un être humain est animé d’un désir, il éprouve le sentiment du risque, sinon il ne ressent pas un vrai désir. Désir implique risque, qui implique angoisse ; au contraire du besoin et de sa satisfaction, qui ne sont pas accompagnés d’angoisse. » disait Dolto. Il va sans dire que quand le doute et l’angoisse se manifestent, c’est que derrière le désir se manifeste et cherche d’ailleurs à se manifester en ajoutant quelque chose supplémentaire.
Conclusions
Le comportement alimentaire traverse les différents stades, il se fixe dès la phase orale de manière totalement inconsciente puisque le souvenir n’y est plus. Les traces mnésiques datent souvent de l’âge approximatif de trois ans, à l’entrée du stade phallique. Et c’est à partir de ce stade que l’on émet plusieurs hypothèses, une fixation au stade oral que l’on retrouve plus tard. Cette fixation se précise et se caractérise par l’adéquation de plusieurs paramètres qui peuvent différer selon les cas. Ce n’est que plus tard, lors d'une problématique liée à un trouble alimentaire que l’on émet l’hypothèse d’une fixation au stade oral. D’un point de vue observable, on constate une difficulté dans la relation entre la mère et l’enfant. La nourriture, passant par la bouche et la relation de l'enfant, met en valeur l’hypothèse de la connexion et des répercussions entre les deux paramètres. Mais il serait sans doute simpliste et réducteur de le résumer seulement ainsi. Dans de nombreux cas observables, on observe l’absence du père durant toute l'enfance, ce qui favorise l’enfant à n’avoir qu’une seule représentation parentale. La relation devient anxiogène par son caractère exclusif et fusionnel avec la figure maternelle. L’investissement dans un autre objet dans une autre représentation est difficile à investir pour l'enfant. Notons qu’une fixation a lieu dans chacun des stades mais que la fixation qui a lieu dans le premier stade va influencer la perception inconsciente dans le second stade et ainsi de suite jusqu’à l’adolescence. La relation et l’anxiété vont induire et influencer le rapport alimentaire et le comportement sexuel. Le comportement sexuel se définit ici dans le rapport à l’autre, plus particulièrement dans la relation avec sa mère, le choix et la relation avec son mari, la relation avec ses enfants et la relation avec son travail. Le contexte global du point de vue intra-familiale, le stade anal caractérisé par la soumission ou le refus de se soumettre, le stade phallique et son complexe d’Œdipe, toute les étapes traversées vont produire un comportement global jusqu’à atteindre une certaine maturité à l’âge adulte et vont continuer à évoluer en tant qu’adulte. Déplacement, substitution sont les deux éléments flagrants qui vont compenser la relation enfant-mère. L’absence du père a une répercussion, favorisant la difficulté de l’enfant de s’investir dans un autre objet. L’enfant n’a qu’un objet, sa mère, une mère exclusive, étouffante. S’écarter de sa mère déclenche automatiquement la culpabilité, une culpabilité de plus en plus grandissante qui finit par se caractériser par une angoisse omniprésente. Quand j’évoque l’angoisse, je n’évoque pas la présence seule de la culpabilité mais aussi de la frustration à une intensité égale de celle de la culpabilité provoquant un état de paralysie physiologique et psychique. Mais pourquoi la nourriture ? Dans la plupart des cas, on assiste de la part de l'entourage un rapport plus ou moins obsessionnelle ou de rejet synonyme de dégoût, une fixation avec leur corps et la nourriture telle une obésité déjà présente, accompagné d'un comportement permissif avec celle-ci ou une tendance à additionner les régimes alimentaires de manière excessive. A leur côté, le petit être grandit, perçoit, s'identifie ou rejette ce qu'il ressent, ce qu'il observe et fixe comme la fixation qu'on lui propose sans même forcément s'en apercevoir, que ce soit du côté de l'entourage et de l'enfant devenu adolescent. La nourriture est le remède et lui permet de sortir de l’angoisse de façon momentanée. Le comportement alimentaire constitue alors un mécanisme de défense pour sortir de l'angoisse provoqué par la difficulté relationnelle mère-enfant favorisée par l’absence père-enfant, l'objet père et mère constitue un ensemble qui va s'identifier à un autre objet, une autre personne que la mère ou le père mais garder un contenu similaire et ainsi inconsciemment détenir la même quantité d'angoisse dans la relation du Moi à l'objet. L'objet choisi va aussi permettre de perpétuer cette anxiété. C’est souvent le cas observable dans de nombreuses problématiques liées à l’alimentation.
Références bibliographiques
(1) Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, éditions Payot et Rivages, Paris, 2014, p 49
(2) Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, éditions Payot et rivages, Paris, 2014, p181
(3) Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, éditions Payot et Rivages, Paris, 2014, p 49
(4) Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, éditions Payot et Rivages, Paris, 2014, p222
(5)Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, éditions Payot et rivages, Paris, 2014 p 231
(6) Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, p230
(7) Mélanie Klein, La psychanalyse des enfants, édition Puf, Paris, 1959, p138
(8)Mélanie Klein, La psychanalyse des enfants, édition Puf, Paris, 1959, p138
(9)Mélanie Klein, La psychanalyse des enfants, édition Puf, Paris, 1959, p139
(10) Mélanie Klein, La psychanalyse des enfants, édition Puf, Paris, 1959, p139
(11) Mélanie Klein, La psychanalyse des enfants, édition Puf, Paris, 1959, p142
(12Mélanie Klein, La psychanalyse des enfants, édition Puf, Paris, 1959, p138
(13)Françoise Dolto, Les étapes majeurs de l’enfance, édition Gallimard, 1994, p254
(14) Françoise Dolto, Les étapes majeurs de l’enfance, édition Gallimard, 1994, p364
(15) Françoise Dolto, Les étapes majeurs de l’enfance, édition Gallimard, 1994, p61