Contrairement aux aprioris, la position hiérarchique dans l'entreprise n'est pas un facteur ou ne favorise pas la dépression. Elle peut toucher et apparaître dans toutes les classes sociales. Il semblerait que ce ne soit pas le travail lui-même qui influence et plonge le salarié dans cet état de souffrance mais la relation à autrui, à son travail et l'impact de son environnement professionnel.
Quand je dis autrui, je fais référence aux collègues, à la hiérarchie, aux matériaux inadéquats et à la pénurie des moyens pour effectuer son activité. La souffrance interne du salarié est cette fois-ci représentée non pas directement liée à son passé mais elle passe par une confrontation, une dissonance cognitive due à une incompatibilité humaine et matérielle dans l'entreprise qui ensuite se propage dans une angoisse oppressante à l'intérieur du sujet lui-même. L'influence majeure est surtout fortement influencée par l'environnement et les conditions professionnelles du déroulement de l'activité. Bien sûr, les facteurs favorisant ce mal-être ont des répercussions directes sur la vie privé et/ou peuvent aussi surgir lors d'un événement soudain tel une séparation douloureuse, la perte d'un être cher ou d'autres évènements pouvant ébranler une personnalité qui pourtant aux premiers abords pouvait sembler paraître d'une solidité à toute épreuve.
Il arrive que la dépression ne soit pas forcément accompagnée par une tristesse continue mais plutôt par une irritabilité exacerbée avec des pics de violences soudaines, véhémentes, surdimensionnées mais elle a toujours pour résultante une sensation pour le sujet, une volonté malgré lui, dirigée vers un repli sur soi, un sentiment de profonde solitude bien au delà du comportement habituel.
Une personne dépressive ne cesse de ressasser les raisons de son malheur. Elle reste cloisonnée à l'intérieur d'elle même; elle aurait tendance à s'isoler, se lamenter sur la situation présente et celle d'un passé proche, ayant pour conséquence le développement en parallèle d'un sentiment de culpabilité pouvant même atteindre celui d'un certain masochisme d'une jouissance culpabilisante.
Le goût aux plaisirs, des choses qui habituellement avait une saveur particulière dans le quotidien du sujet perd tout intérêt. C'est une phase où le sujet déprimé perd tout intérêt à ce qui lui est extérieur. Il délaisse ses enfants, son partenaire, ses amis, ses activités, son travail. Il ne ressent plus rien ou plutôt à la capacité ou le refus de plus vouloir et pouvoir ressentir. C'en est trop pour lui. Accepter de vouloir ressentir, c'est accepter ou s'investir dans une volonté sentimentale à l'objet. Cela comporte un risque, celui d'être partiellement déçu, de ne pas pouvoir en retirer le bénéfice espéré, la reconnaissance. L'individu n'a plus envie de rien, sa sexualité est néante, son désir, sa volonté de partager une relation platonique avec même un être cher est difficile. Il a perdu l'envie sentimentale de vivre, il a perdu aussi la faculté de ressentir intimement, intérieurement la présence du désir relationnel de quelqu'un ou quelque chose. La relation à l'objet ou personne comporte une majorité bienfaisante, lorsqu'elle est positive et une minorité négative.
Habituellement, l'individu, inconsciemment, est attiré par le bénéfice de la relation à ces objets. Son esprit va inverser la tendance, il va percevoir, malgré lui, la négativité comme un pourcentage important et absolu dans l'obstacle relationnel et ne va même plus pouvoir percevoir la positivité relationnelle antérieure. Un sentiment stoïque se met en rempart à toute possibilité de ressentir le monde extérieur, source de souffrance. La goutte a dépassé le vase, un trop plein, insurmontable à gérer, insupportable dans le simple fait de pouvoir la contempler sa propre vie, celle qui lui rappelle sa souffrance, démunie, interminable dans sa profondeur . La souffrance est telle que le patient préfère s'engouffrer et refuser intérieurement toute tentative sensorielle de peur de ne pouvoir gérer ou dans un refus de retourner et de se confronter à un mode de vie, à des sentiments trop douloureux, une reconnaissance méconnue, indifférente de l'extérieure dans les efforts ou le rapport vécu par le sujet dans sa vie privée et professionnelle. Dans une telle phase, il est urgent de faire appel à un professionnel de santé, du sujet lui-même ou de celle d'un proche si la personne concernée ne ressent plus l'effort nécessaire pour demander une aide extérieure.